Début janvier, l’office du tourisme parisien a fermé son dernier point physique et annoncé déléguer ses missions aux kiosques. Une nouvelle manière pour cette profession en crise de diversifier son activité.
En passant par la place du Trocadéro (XVIe arrondissement), les touristes égarés trouveront sur la devanture du kiosque de l’avenue Kléber un QR code à scanner, qui les redirigera vers le site internet de Paris je t’aime – l’office du tourisme parisien. Dessus, ils disposeront de nombreuses informations sur la ville. Si ce n’est pas suffisant, ils pourront demander conseil à Patrick Parron, le gérant et nouvel agent touristique de la ville.
Si cet homme aux plus de 36 années d’expérience remplit aujourd’hui cette mission, c’est parce que le dernier office touristique de la capitale, situé près de la tour Eiffel, a fermé, faute de fréquentation. En réponse, la mairie de Paris a décidé de déléguer ce rôle de guide informationnel aux kiosquiers ; fins connaisseurs de la ville, en échange d’une rémunération mensuelle d’« une centaine d’euros », confie Patrick Parron.
Ce petit coup de pouce est plus que bienvenu. Nelly Todde, vice-président du syndicat des kiosquiers, estime que la situation économique de sa profession est « minable ». Ces professionnels, qui perçoivent une commission d’environ 23% sur les ventes de journaux, sont en première ligne face à la « crise du papier ». Entre 2010 et 2021, la diffusion des journaux de presse nationale a chuté de 75%, tandis que celle des journaux de presse régionale a baissé de 37%, rapporte le site viepublique.fr.
Au point qu’aujourd’hui, la « rémunération moyenne d’un kiosquier se situe autour de 1000 et 1200 euros nets », se désole Nelly Todde. De son côté, la mairie de Paris dresse un constat tout aussi effrayant : un point de vente sur huit est vacant.
La mairie accompagne la diversification des revenus
Pour enrayer la disparition progressive de nos kiosques et assurer leur survie, leurs gérants misent sur une stratégie : diversifier leurs revenus. Depuis plusieurs années déjà, ces professionnels ont élargi la gamme de produits qu’ils proposent. Cafés, cartes postales, souvenirs… tout est bon à vendre pour remplir leur caisse.
Dans cette optique, la municipalité a également remplacé en 2018 les vieux kiosques haussmanniens datant de l’époque de Napoléon pour les rendre plus attractifs. Le résultat ? Des structures vertes cubiques de 16m2 de superficie, chauffées, censées offrir plus de place et davantage de revenus publicitaire grâce à de grands panneaux. Ces points de vente sont d’ailleurs gérés par l’entreprise Médiakiosk, filiale du géant de la pub JCDecaux.
L’été dernier, une circulaire de la mairie de Paris a encore renforcé les compétences de ces commerçants. Ils ont été autorisés à vendre du textile, de la billetterie de spectacle et de tourisme, ou encore réceptionner et envoyer des colis. Certains ont même noué un partenariat avec la Française des jeux (FDJ).
Nelly Todde, dont le kiosque est situé sur les Champs-Elysées, explique ainsi réaliser « 90% de (son) chiffre d’affaires avec les souvenirs vendus aux touristes ». Nostalgique, elle se remémore : « Il y a quarante, je vendais 100 exemplaires du journal Le Monde par jour, alors qu’aujourd’hui, plus que 3. J’ai 80% d’invendus ». De la presse, elle réalise « un bénéfice de cinq euros par jour ».
Les kiosques, des lieux sociaux
Dans son kiosque du boulevard Poissonière (IIe arrondissement), Mourad Berriche propose à la vente des jeux à gratter, des portes-clés en forme de tour Eiffel, des cartes postales et des écharpes, en plus des habituels quotidiens et magazines. Pour l’homme de 61 ans, ce sont ces nouveaux produits qui le « font vivre ».
La mairie de Paris avance également que cet élargissement de la gamme de services proposés s’inscrit dans une dynamique sociale. Pour son adjoint au commerce, Nicolas Bonnet-Oulaldj, les kiosques sont un lieu de vie, « des repères familiers qui rythment nos rues et nos places ». Ainsi, leur essence reposerait désormais dans le fait de pouvoir y lire son journal en sirotant un café et pourquoi pas tenter de gagner à l’EuroMillions.
Les kiosques sont-ils alors voués à concurrencer les PMU ? Pas forcément. Mourad Berriche explique que diversifier son activité peut aussi se heurter à des contraintes logistiques. « Des entreprises m’ont démarché plusieurs fois pour que je réceptionne et envoie des colis. Mais ceux qui ont accepté n’ont plus de place pour stocker leur marchandise. Donc je ne le fais pas. » Comme d’autres kiosquiers, cet habitué de la presse est d’accord pour se diversifier, mais prévient qu’il ne pourra pas tout faire.